Amgad Kashef, la quarantaine, termine son après-midi de consultations à l'Hôpital de Saint-Imier. Mais, ce soir, il ne rentrera pas chez lui. Il est de garde. Et du travail l'attend, car un accouchement devrait avoir lieu dans la soirée.
En Suisse depuis huit ans, Amgad Kashef a grandi dans une famille copte catholique, à Al Minya, la capitale de la Moyenne-Egypte. Marié et père de deux enfants, officier dans l'armée égyptienne, il a étudié la médecine dans son pays et s'est spécialisé en gynécologie et obstétrique.
A la fin de ses études, son frère, moine catholique dans la Fraternité des petits frères de Jésus, lui a procuré une bourse lui permettant d'effectuer un stage de deux ans à l'Hôpital cantonal de Fribourg. A la fin de ce stage, notre médecin est rentré en Egypte. Mais il a eu des difficultés à y trouver un travail correspondant à sa formation… alors que l'Hôpital de Fribourg était prêt à l'embaucher.
Ainsi, Amgad Kashef est revenu à Fribourg en 2006, avec sa femme et son premier enfant. « J'ai fait toutes les étapes qu'un médecin doit franchir, en commençant comme assistant », se rappelle-t-il. Il a obtenu son diplôme de la Fédération des médecins suisses (FMH) et a passé chef de clinique. Suite à l'appel d'un ancien collègue, il a été engagé en 2013 comme médecin-chef dans l'Hôpital du Jura bernois, sur les sites de Saint-Imier et de Moutier.
Une paroisse locale et une Eglise ethnique, sinon rien
Lorsqu'il est venu s'établir en Suisse il y a huit ans, Amgad Kashef s'est engagé dans la Paroisse catholique de Villars-sur-Glâne, dont il fait toujours partie. Il a également rejoint un groupe de prière arabophone qui se réunissait dans la banlieue de Berne. Par la suite, ce groupe de prière est devenu l’Eglise Nahr al Hayat – Fleuve de Vie. En 2013, la communauté a déménagé au centre-ville, dans la chapelle de l’Eglise évangélique libre (FREE et FEG).
« Je vais à la fois à la messe à Villars-sur-Glâne et au culte à Berne, explique Amgad Kashef. Et je fais partie du conseil de l'Eglise Nahr al Hayat. » Quant aux autres personnes qui fréquentent l’Eglise arabophone de Berne, elles font généralement de même : elles s'engagent simultanément dans des Eglises de leur dénomination et à Nahr al Hayat. « Nous venons à Berne afin de prier dans notre langue maternelle, précise Amgad Kashef. Nous y recevons des orateurs catholiques, protestants et orthodoxes. Alors que les chrétiens d'Egypte peinent à établir des liens entre dénominations, nous laissons ici les différences entre les Eglises. »
Deux ou trois fois par année, notre médecin a besoin de prendre un temps de retraite spirituelle. Il retourne alors quelques jours dans son pays. « En Egypte, il n'y a pas de menace globale contre les Eglises, précise Amgad Kashef. Même à l'époque des Frères musulmans, la situation n'a jamais été critique. Lorsque les chrétiens rencontrent des problèmes ou subissent des violences, c'est généralement lié à des conflits de personnes, de familles ou de villages. Par contre, les chrétiens rencontrent toutes sortes de problèmes lorsqu'ils cherchent à construire des églises. » Mais ce problème de bâtiment n'inquiète absolument pas notre médecin, parce que, lui, il rêve de communautés ouvertes et sans murs.
Il est 20h30, le téléphone sonne. Un accouchement un peu difficile se déroule à l'étage supérieur. Amgad Kashef quitte son bureau et, durant deux heures, il va superviser l'arrivée d'une nouvelle vie.