Le mois de mai a été anormalement chaud et l’éco-anxiété guette. Aux Courmettes, des akènes du peuplier blanc virevoltent dans l'air au gré d’une légère brise et donnent un air féérique à l’endroit. Les 15 salariés et la cinquantaine de bénévoles par année du centre français, situé dans l’arrière-pays niçois, n’en retroussent pas moins leurs manches et parlent avec pertinence et conviction : « Le changement climatique peut être un instrument de sursaut de conscience pour dénoncer l’injustice du monde, car ce sont toujours les plus démunis qui en subissent les conséquences », estime Jean-François Mouhot.
Combat spirituel
Pour lui, si le chrétien est appelé à être sel de la terre et témoin, cela signifie aujourd’hui avant tout se faire l’avocat du plus pauvre au Bangladesh ou en Irak menacé dans sa vie par la chaleur alarmante qui accable son pays. Il s’agit d’un combat spirituel contre notre propre nature humaine fondamentalement égoïste, dit-il. Un combat qui se traduit par la prière : « Oui, on prie quotidiennement ici pour le salut de la planète. Et on croit que Dieu peut transformer le mal en bien. Et que l’Esprit saint peut intervenir pour convaincre le monde qu’il fait fausse route. » Et notre homme de citer 2 Chroniques 7:14, « Si mon peuple s’humilie, prie, me cherche, et se détourne de ses mauvaises voies, je l’exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché, et je guérirai son pays ». Un verset qu’il a d’ailleurs mentionné lors d’un débat qu’il a eu le 2 mai dernier avec Jean-Marc Jancovici, ingénieur, enseignant et conférencier, proche du président français.
Formation et sensibilisation
« Mais pour moi, faire des disciples, ce n’est pas recruter des gens dans les églises, lui fait écho David Nussbaumer, 30 ans, l’actuel directeur des Courmettes. C’est d’abord les inviter à suivre le Christ dans son appel à aimer la création humaine et non humaine et à faire le bien. » Concrètement, des séminaires d’été et des camps pour jeunes « d’éco-aventure » sont organisés sur les 600 hectares de ce qui constitue la plus grande propriété privée de la Côte d’Azur. Dave Bookless, théologien britannique, donne par exemple sur une semaine un enseignement d’éco-théologie en août. Et puis il y a une semaine aussi de formation pour devenir « ambassadeurs » : « Il s’agit de personnes que l’on forme pour parler dans les églises, les unions d’églises, pour y lancer des actions de protection de l’environnement, et qui peuvent aussi faire du lobbying dans les sphères politiques. » Le tout sur ce site qui comprend un jardin pédagogique… parcouru ce jour-là par un lézard ocellé qui vit au pied du bâtiment principal et par un magnifique faisan.
Responsabilité
Mais l’Eglise n’a-t-elle pas une part de responsabilité dans la crise climatique actuelle ? « Oui, concède Jean-François Mouhot. On a pu interpréter des versets comme « assujettissez la terre » (Genèse 1:28 ndlr) de façon erronée. Les chrétiens doivent aujourd’hui reconnaître les erreurs de l’Eglise et bannir aussi la théologie de la prospérité. Car il faut limiter notre consommation et se souvenir que Jésus était un exemple de vie simple. Mais on peut s’engager dans cette voie de façon positive en se disant qu’il faut se libérer de l’oppression de la consommation et que le bonheur n’est pas corrélé aux biens mais aux liens. » Et le directeur d’A Rocha (réseau chrétien international d’organisations de défense de l’environnement ndlr) France de souligner qu’il ne croit pas que Dieu veut la destruction de la planète.
Espérance
« Je crois que celle-ci est vouée au renouvellement, non à la destruction. Et j’ai de l’espérance, car comme le disait Billy Graham, j’ai lu la Bible jusqu’à la fin et cela finit bien ! Mais je crois que sans l’aide de Dieu, on ne va pas y arriver ». A chacun donc d’intercéder et de vivre de façon sobre : le mot « sobriété » a d’ailleurs été utilisé pour la première fois dans le dernier rapport du GIEC, se réjouit Jean-François Mouhot. « Il y a une ligne de crête sur laquelle avancer : j’ai une espérance, mais je dois agir et entretenir la terre comme j’entretiens mon corps. En prendre soin. Oui, car quand on est chrétien, on ne peut faire l’économie d’un engagement écologique aujourd’hui. »
Gabrielle Desarzens