Un Jésuite en grève de la faim à Calais pour dénoncer le sort des migrants

vendredi 22 octobre 2021

Un Jésuite et deux militants associatifs font grève de la faim dans une église de Calais pour dénoncer le sort des migrants et des migrantes. Ils exigent notamment la suspension du démantèlement des abris de fortune construits à la hâte à l’approche de l’hiver, a indiqué jeudi 21 octobre le Père Philippe Demeestère. « Les conditions de vie des réfugiés sont des plus déplorables », lui fait écho Jean-Yves Lecoq, pasteur de l’Eglise évangélique des 2 caps.

Ce sont la destruction d’un grand lieu de vie où se trouvaient 1’000 migrants, le fait que les distributions de nourriture ne peuvent plus se faire nulle part ou encore l’augmentation du nombre de personnes à l’hôpital suite à des violences policière qui ont amené le prêtre septuagénaire à entreprendre une grève de la faim dans l’église Saint-Pierre de Calais il y a une semaine. Il est accompagné dans sa démarche par un couple de trentenaires, Anaïs Vogel et Ludovic Holbein. Leur décision fait aussi suite au décès d’un jeune Soudanais, mort percuté par un camion dans lequel il cherchait à monter pour se rendre en Angleterre. Et selon le Père Philippe Demeestère joint par téléphone, une deuxième personne vient de mourir de la même manière. Les trois grévistes se sont connus dans un atelier où ils gravaient sur des plaques de bois commémoratives les noms de centaines de réfugiés décédés en tentant d’atteindre les côtes britanniques. Des plaques qu’ils affichaient ensuite dans le centre-ville de Calais pour éveiller les consciences.  

Faire corps avec les exilés 

La grève de la faim représente l’acte de protestation ultime quand on a le sentiment de ne pas être entendu. Pour le Jésuite, il s’agit aussi de faire corps avec les exilés de façon très concrète jusqu’à « risquer sa peau », comme eux. « Nous disons ainsi par notre action que les migrants sont des êtres humains faits de la même chair que tout un chacun », dit-il. Les trois grévistes mettent donc clairement au défi les autorités d’aller jusqu’au bout pour faire valoir leur point de vue qui dit stop à la péjoration selon eux inhumaine de la situation des réfugiés et à la criminalisation des démarches de fraternité.

« On aide et on a le sentiment que cela devient illégal », témoigne le pasteur Jean-Yves Lecoq de l’Eglise évangélique des 2 caps. Les membres de sa communauté viennent notamment en aide à de jeunes Erythréens répartis sur deux camps, soit à environ 200 à 250 personnes. « Mais elles sont souvent déplacées, ne serait-ce que de quelques mètres, pour ne pas qu’elles s’installent, nous dit-on ». Certains membres de l’église lavent leur linge, d’autres collectent des couvertures à l’approche de l’hiver. « Mais on ne peut plus distribuer de la nourriture gratuitement dans certains endroits de la ville ».    

Durcissement à l’égard des migrants

Les grévistes ont trois revendications claires. Il y a d’une part la suspension des expulsions quotidiennes durant la trêve hivernale. D’autre part l’arrêt de la confiscation des tentes et effets personnels des migrants. Et enfin l’ouverture d’un « dialogue citoyen raisonné » entre autorités publiques et associations non mandatées par l’Etat. Pour le gréviste Ludovic, il s’agit juste de faire en sorte que les gens ne se retrouvent pas à dormir sous la pluie à même le sol. Une demande basique mais qui cristallise toujours les fronts à Calais où la question migratoire est souvent récupérée dans un contexte de pré-campagne électorale avec un durcissement des attitudes à l’égard des réfugiés, explique le Père Demeestère.

Selon un rapport de Human Rights Observers, 1’058 expulsions de lieux de vie informels ont eu lieu à Calais et à Grande-Synthe en 2020. Au cours de ces démantèlements, près de 5'000 tentes et bâches et plus de 1'150 sacs de couchage ont été saisi par les forces de l’ordre. Ce matériel est régulièrement détruit de même que les vêtements, téléphones portables et documents administratifs.  

Gabrielle Desarzens

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