Sur sa table, des craies, des stylos feutres, des crayons de couleur... Martine Bacher travaille aussi à la bombe, et puis à l’encre sur du papier photo. Dans son appartement de Saint-Genis-Pouilly (F), c’est avec son mari Henri qu’elle concocte actuellement surtout des messages dans de courtes vidéos, où l’on peut voir s’animer au fur et à mesure les personnages et les objets de ce qui est raconté simultanément. Sur une tablette reliée à l’ordinateur, elle fait renaître Jésus au pied du sycomore de Zachée, Marie qui pleure au tombeau, ou encore la main de Dieu qui prend soin... En 6 minutes, une des dernières réalisations du couple tire un parallèle entre l’existence et une maison que l’on habite : « Suis-je propriétaire de ma maison de vie ou seulement locataire ? »
A cette question existentielle, Martine déroule une réflexion sur des images de base au moyen de ses fameux personnages et avec l’appui du verset d’Apocalypse 3 : 20 (ndlr : Voici je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi »). « C’est une manière de sortir de l’écrit, une forme de transmission du texte biblique, commente-t-elle. Je vois des enfants comme des adultes entrer dans les histoires, vivre les versets de la bible par ce biais. Ainsi ils peuvent les connaître, se les approprier. »
A l’ère de l’image...
La dessinatrice, par ailleurs membre de l’église évangélique de Meyrin (FREE), compte plusieurs cordes à son arc. Le dessin de presse est ainsi un exercice qu’elle a pratiqué, comme aussi l’illustration de livres. Elle a également réalisé des bandes dessinées. Si elle en est venue avec son mari à ces « histoires racontées et filmées », comme elle les appelle, c’est suite à un constat : « On a eu cinq siècles d’écrit. On est maintenant dans une ère de l’image. Or Dieu n’est ni un Dieu de l’écrit ni un Dieu de l’image, mais de la parole. Nous faisons donc entendre l’Evangile et retenons l’attention des gens par le visuel. »
Entrer dans le dessin
Institutrice de métier, la septuagénaire maman de quatre enfants et grand-maman de cinq petits-enfants se souvient avoir toujours dessiné. « Toute petite, je dessinais à mon pupitre au grand dam de ma maîtresse », se souvient-elle, une lueur espiègle dans les yeux. Mais c’est aujourd’hui une contrainte : « Je ne dessine pas par plaisir. Je dessine parce que j’y vois de l’intérêt. Je place par exemple le petit Victor qui ne connaît pas l’histoire de la résurrection du Christ à côté du tombeau vide. Du coup, il y est, il peut faire sienne cette histoire. C’est à mon sens très intéressant. » Ses garde-fous : ne pas tricher, rester au plus près du texte. Et la certitude que le simple coup de crayon peut bousculer une vie : « Jésus a utilisé des paraboles pour dire des choses très profondes. Il faut trouver à mon sens de nouveaux langages pour transmettre l’Evangile à une génération qui lit de moins en moins. »
Le dessin comme une thérapie
A parler du dessin à des fins personnelles, Martine hésite, puis dit avoir commencé à raconter son enfance sous la forme d’une bande dessinée. Elle apporte un cartable. « Voyez : j’ai fait onze planches. J’ai beaucoup pleuré. Puis après avoir dessiné, dit un certain nombre de choses, je n’ai plus eu besoin de continuer. Cela m’a été utile comme une thérapie. Mais c’est bon, maintenant. » Un autre souvenir lui revient à l’esprit : avoir illustré le psaume 10 « car j’étais vraiment en colère contre Dieu. J’ai tracé ce que ce psaume m’inspirait, l’injustice que je ressentais. Puis ma rogne est tombée. »
Gabrielle Desarzens